Voyage musical en Allemagne et en Italie, II by Hector Berlioz

Voyage musical en Allemagne et en Italie, II by Hector Berlioz

Auteur:Hector Berlioz [Berlioz, Hector]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-09-29T04:00:00+00:00


XIV

RETOUR EN FRANCE.

J'étais fort morose, bien que mon ardent désir de revoir la France fut sur le point d'être rempli. Un tel adieu à l'Italie avait quelque chose de solennel, et, sans pouvoir me rendre bien compte de mes sentiments, j'en avais l'ame oppressée. L'aspect de Florence, où je rentrais pour la quatrième fois, me causa surtout une impression accablante. Pendant les deux jours que je passai dans la cité reine des arts, quelqu'un m'avertit que le peintre Chenavard, cette grosse tête crevant d'intelligence, me cherchait avec empressement et ne pouvait parvenir à me rencontrer. Il m'avait manqué deux fois dans les galeries du palais Pitti, il était venu me demander à l'hôtel, il voulait me voir absolument. Je fus très sensible à cette preuve de sympathie d'un artiste aussi distingué; je le cherchai sans succès à mon tour, et je partis sans faire sa connaissance. Ce fut cinq ans plus tard seulement, que nous nous vîmes enfin à Paris et que je pus admirer la pénétration, la sagacité et la lucidité merveilleuses de son esprit, dès qu'il veut l'appliquer à l'étude des questions vitales des arts mêmes, tels que la musique et la poésie, les plus différents de l'art qu'il cultive.

Je venais de parcourir le Dôme, un soir en le poursuivant, et je m'étais assis près d'une colonne, pour voir s'agiter les atômes dans un splendide rayon du soleil couchant qui traversait la naissante obscurité de l'église, quand une troupe de prêtres et de porte-flambleaux entra dans la nef pour une cérémonie funèbre. Je m'approchai; je demandai à un Florentin quel était le personnage qui en était l'objet: E una Sposina, morta al mezzo giorno! me répondit-il d'un air gai, en souriant de son grand sourire d'Italien. Les prières furent d'un laconisme extraordinaire, les prêtres semblaient, en commençant, avoir hâte de finir. Puis le corps fut mis sur une sorte de brancard couvert, et le cortége s'achemina vers le lieu où il devait reposer jusqu'au lendemain, avant d'être définitivement inhumé. Je le suivis. Pendant le trajet; les chantres porte-flambeaux gromelaient bien, pour la forme, quelques vagues oraisons entre leurs dents; mais leur occupation principale était de faire fondre et couler autant de cire que possible, des cierges dont la famille de la morte les avait armés. Et voici pourquoi: Le restant des cierges devait, après la cérémonie, revenir à l'église, et comme on n'osait pas en voler des morceaux entiers, ces braves Lucioli, d'accord avec une troupe de petits drôles qui ne les quittaient pas de l'œil, écarquillaient à chaque instant la mèche du cierge qu'ils inclinaient ensuite pour répandre la cire fondante sur le pavé. Aussitôt les polissons, se précipitant avec une avidité furieuse, détachaient la goutte de cire de la pierre, à l'aide d'un couteau, et la roulaient en boule qui allait toujours grossissant. De sorte, qu'à la fin de ce trajet, assez long, (la morgue étant située à l'une des plus lointaines extrémités de Florence), ils se trouvaient avoir fait, indignes frêlons, une assez bonne provision de cire mortuaire.



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